![]() Le 10 janvier, mémoire de notre Saint Père GRÉGOIRE, Evêque de NYSSE ![]() Devenu Archevêque de Césarée en 370, Saint Basile regroupa autour de lui des amis sûrs pour résister aux persécutions de Valens contre les Orthodoxes défenseurs de la doctrine du Concile de Nicée, et fit élire Grégoire, malgré sa résistance, comme Evêque de la modeste cité de Nysse. Peu fait pour l'administration et les finesses des affaires ecclésiastiques, trop humble et candide pour résister aux méchants et aux intrigants, il fut rapidement victime des machinations des ariens qui, l'accusant d'ordination irrégulière et d'avoir détourné à son profit les biens de son Eglise, réunirent pendant son absence un concile et obtinrent du préfet Démosthène, ennemi déclaré des Orthodoxes, sa déposition et son exil (376). Muet et résigné comme une brebis que l'on mène à l'abattoir (Isaïe 53:7), le Saint Evêque se laissa ainsi chasser. Il ne put regagner son siège et rentrer triomphalement à Nysse que deux ans plus tard, à la mort de Valens (378). Mais il ne put alors jouir de la paix que bien peu de temps. Au début de 379, la mort de Saint Basile, qu'il avait toujours considéré davantage comme son père selon Dieu que comme son frère selon la chair, fit de lui l'héritier et le successeur du grand Hiérarque et champion de l'Orthodoxie. Lui, le philosophe, l'homme doux et réservé, s'engagea alors avec fougue dans la lutte dogmatique et imposa rapidement à tous son autorité, grâce à la profondeur de sa réflexion théologique et à la puissance de son éloquence. Il participa au Concile d'Antioche, réuni pour régler le schisme qui divisait cette Eglise depuis plus de cinquante ans, et parvint à faire triompher la cause de Saint Mélèce (mémoire le 12 février); il partit en mission pour réorganiser l'Eglise du Pont et d'Arménie et y fit élire son frère Pierre comme Evêque de Sébaste; il rédigea aussi une série d'ouvrages polémiques contre l'arien extrémiste Eunome pour défendre l'incompréhensibilité de la nature divine, et contre Apollinaire pour montrer que le Christ a bel et bien assumé l'homme complet, âme et corps. Et surtout, il prit part en 381 au Saint et grand second Concile Oecuménique de Constantinople, au cours duquel il confondit les raisonnements des hérétiques ariens et pneumatomaques, et fit triompher la Doctrine Orthodoxe sur la Sainte Trinité, pour laquelle Basile avait tant lutté toute sa vie. Alors salué par les Pères comme la «colonne de l'Orthodoxie» et considéré comme le digne successeur de Saint Athanase et de Saint Basile, Grégoire assista ensuite à tous les conciles et assemblées ecclésiastiques, et fut envoyé en mission en Arabie et en Palestine pour régler les troubles qui divisaient ces Eglises. A son retour à Constantinople, l'empereur Théodose le prit comme conseiller spirituel et le chargea de prononcer les oraisons funèbres de son épouse Pulchérie et de sa fille Flacille (385). Vers 386, la paix de l'Eglise étant désormais assurée, et comme il se trouvait délivré de toute attache avec le monde à la suite du décès de Sainte Théosébie qui, depuis de longues années, d'épouse était devenue sa soeur et sa compagne spirituelle, et du départ pour Milan de l'empereur avec sa cour, Saint Grégoire put enfin se consacrer pleinement à la vie spirituelle et à la direction des monastères fondés par Saint Basile. Tout comme il avait poursuivi l'oeuvre dogmatique et ecclésiastique de son frère, et avait complété certains de ses ouvrages exégétiques et théologiques, Grégoire paracheva l'oeuvre monastique dont Saint Basile avait été le fondateur, l'organisateur et le législateur, en rédigeant des traités mystiques d'une profondeur et d'une beauté croissant à mesure des années (Homélies sur le Cantique des cantiques, Vie de Moïse, Institution Chrétienne). On trouve là un exposé grandiose et audacieux de la doctrine spirituelle orthodoxe; la théologie mystique par excellence, mise en pratique dans le monachisme, et que Grégoire exprime dans les termes et les catégories éprouvés par les controverses dogmatiques. Selon Saint Grégoire, l'homme a été créé comme image de Dieu, comme un reflet de Ses perfections et tout spécialement de Sa souveraine liberté. Tombé dans la corruption et revêtu des «tuniques de peaux» de la mortalité et des passions par un mauvais usage de cette liberté, il n'a pu être restauré dans sa condition première, entrer de nouveau en communion avec Dieu et recouvrer sa dignité de Prêtre et de Roi de la Création que par l'Incarnation du Christ. Adhérant par le Baptême au Corps du Christ et faisant croître sans cesse la présence en lui du Seigneur, dans son âme par les saintes vertus et dans son corps par les Sacrements, il peut désormais progresser à l'infini dans une union sans confusion avec le Dieu infini, en entraînant avec lui le genre humain et l'univers entier, qu'il transforme en Eglise. «Ainsi dans l'éternité du siècle sans fin, celui qui court vers Toi devient toujours plus grand et plus haut que lui-même, augmentant toujours par l'accroissement des grâces (...); mais comme ce qui est recherché ne comporte pas en soi de limite, le terme de ce qui est trouvé devient pour ceux qui montent le point de départ de la découverte de biens plus élevés. Et celui qui monte ne s'arrête jamais d'aller de commencement en commencement par des commencements qui n'ont jamais de fin»1. 1. VIIIe homélie sur le Cantique des cantiques (PG 44, 941) traduction dans: La Colombe et la Ténèbre. éd. de l'Orante, Paris, 1965, pp 110-111. ![]() |